Le journal du diable by Robert K. Wittman & David Kinney

Le journal du diable by Robert K. Wittman & David Kinney

Auteur:Robert K. Wittman & David Kinney [Wittman, Robert K. & Kinney, David]
La langue: fra
Format: epub
Tags: nouveaux
Éditeur: Michel Lafon
Publié: 2016-03-02T00:00:00+00:00


Kempner passa ses premières années aux États-Unis à travailler dans un bureau du

Blanchard Hall de l’université de Pennsylvanie, sur Walnut Street à Philadelphia.

15

La gloire à tout prix

Après une longue semaine de traversée, Robert et Ruth Kempner débarquèrent à New York et s’installèrent dans la chambre 1063 de l’hôtel Pennsylvania, sur la Septième Avenue, juste en face de Penn Station, la gare aux colonnes blanches et à la façade de style beaux-arts.

Au dos d’une carte postale de l’hôtel, Ruth griffonna quelques lignes à l’attention d’Otto Reinemann, l’homme qui avait rendu leur émigration possible. Elle était bouleversée par leur voyage, par Manhattan, mais surtout par la chance qui avait été la leur[536].

Les journaux affirmaient que s’ils avaient pris la mer ne serait-ce qu’une semaine plus tard, leur capitaine aurait été forcé d’éteindre les feux du navire toutes les nuits, par peur des sous-marins allemands. La compagnie Holland-America Line avait décidé de garder à quai le Nieuw Amsterdam, le bateau qui avait conduit les Kempner jusqu’en Amérique, plutôt que de risquer une autre traversée de l’Atlantique nord en temps de guerre. Plusieurs amis et proches des Kempner étaient toujours bloqués en Allemagne et en France. Bientôt les appels au secours désespérés se mirent à affluer par courrier.

La mère âgée de Ruth avait également fait partie du voyage, ainsi que Margot Lipton, la maîtresse de Kempner. Quel que soit le poids que l’aventure extraconjugale de Kempner eût fait peser sur leur mariage, Ruth semblait être en paix et avoir accepté l’arrangement qui s’imposait : Lipton emménagerait avec eux. Les parents de celle-ci, qu’elle avait laissés à Francfort, furent déportés[537] au camp de concentration de Theresienstadt, en ce qui avait été la Tchécoslovaquie, et n’en revinrent pas. Ses frères et sœurs allaient, eux, réussir à quitter l’Allemagne et à s’installer en Angleterre et en Israël. Mais Margot avait fini par considérer les Kempner comme sa véritable famille, et ce sentiment était de toute évidence réciproque.

Les Kempner avaient passé les mois qui avaient précédé le voyage à étudier l’anglais avec acharnement. Mais excepté la langue, ils ne connaissaient absolument rien des États-Unis. Ce qui comptait, dira Kempner plus tard, c’est qu’ils étaient sur un territoire « grand, riche et libre d’un point de vue politique[538] ».

Kempner savait que la vie en tant qu’immigré ne serait pas facile. Qu’il ne retrouverait jamais le statut qu’il avait dû laisser derrière lui à Berlin. La haute fonction qu’il avait assumée avant d’être renvoyé du ministère de l’Intérieur de Prusse – celle d’Oberregierungsrat, de haut fonctionnaire du gouvernement – n’avait aucune valeur aux États-Unis. Sa connaissance des ficelles de l’administration et des lois allemandes ne l’aidait pas particulièrement à comprendre comment fonctionnait le système américain. Et le fait qu’on le prenne souvent pour un excentrique de prime abord était loin de lui être favorable. Dans les années 1940, quelqu’un lui fit passer un entretien dans le cadre d’une étude sur les universitaires migrants et remarqua qu’il était « habillé plutôt n’importe comment » et se « tenait avachi sur son siège ». Il fixait l’enquêteur sans jamais cligner des yeux.



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